Testez vos managers

Alors que nos patrons nous répètent depuis des années que nous, salariés de Cap Gemini, sommes la seule vraie richesse de ce groupe, sa force vive, nous pouvons nous étonner et nous inquiéter de l’apparente inertie de nos managers face au départ de nombreux salariés, de leur incapacité à les retenir.

Si le salaire est souvent un élément déterminant dans la décision de ces démissionnaires - les démarches entreprises à ce propos auprès de l’inspection du travail se poursuivent et devraient déboucher à la rentrée sur de nouvelles actions -, il ne faudrait cependant pas négliger l’importance du facteur humain : quels étaient les rapports de ces salariés avec leur hiérarchie, comment ont-ils été écoutés, comment les engagements pris ont-ils été suivis ... ?

Bref, comment leurs managers ont su (ou non) "gérer la ressource humaine " (la seule d’une société de service !) et bien sûr comment gèrent-t-ils les embauches et la carrière de ceux qui sont encore là ?

Les managers sont-ils suffisamment préparés pour réussir et pérenniser les embauches ? Quels sont les pourcentages de départs pendant la période d’essais, qu’ils soient à l’initiative du salarié ou de l’employeur ?

Est-ce vraiment la solution de lancer des campagnes de cooptation avec prime (variant du simple au triple suivant les divisions !) dès la signature du contrat ?

Selon nous, le problème primordial à régler pour le groupe n’est-il pas la qualité du recrutement ou de la promotion des managers ? ...

Comment peut-on encore ignorer que la compétence technique n’induit pas forcément la compétence managériale (c’est même parfois le contraire), que les relations entre les être humains ne se règlent pas par une mise en équation ou un beau programme informatique ?

A Cap Sogeti (c’était le nom de l’époque), à un représentant du personnel qui mettait en cause les qualités relationnelles et de gestion de son équipe d’un directeur d’agence, le PDG avait répondu que ce DA ne pouvait pas être foncièrement mauvais puisqu’il était centralien ! ! !

Les critères du bon manager ont-ils véritablement changé aujourd’hui dans l’esprit de nos dirigeants ?

Pourtant des travaux permettent de mieux cerner les qualités requises du "bon" manager.

Pour apprécier les qualités de vos managers, voici l’essentiel d’un article paru en juin 2000 dans Entreprises et Carrières.

" Un psychologue américain, Daniel Goleman, dans une étude réalisée avec le cabinet de conseil Hay/Mc Ber établit un lien entre l’efficacité d’un manager et sa capacité à bien gérer ses relations avec lui-même et avec les autres.

Quel est le secret de la réussite de grands patrons ? Comment expliquer leur génie des affaires, leur capacité à choisir la stratégie gagnante, à mobiliser leurs équipes derrière eux, à réussir là où d’autres ont échoué ?

Daniel Goleman, auteur de l’intelligence émotionnelle, émet l’hypothèse que cette réussite est due, certes à un QI assez élevé, mais surtout à la capacité de ces personnes à bien se connaître, à bien cerner leur environnement et ainsi à faire le bon choix au bon moment.

Il a analysé le comportement de plusieurs milliers de patrons dans le monde, puis mis en rapport leur style de management et le climat qui en résulte, mesurable à travers six éléments : la flexibilité, la reconnaissance, la clarté, l’esprit d’équipe, le degré d’exigence et la responsabilisation.

Il a ensuite établi une connexion entre l’efficacité du dirigeant et son intelligence émotionnelle.

Six styles de managers

l’"autoritaire" ou le "directif"

qui impose sans discussion, tue les initiatives personnelles, le sens de la responsabilité et de l’autonomie et, de ce fait, ne fédère pas ses troupes autour de lui.

le chef "entraîneur"

qui donne sa vision des enjeux, écoute ses collaborateurs, mobilise ses équipes sur des objectifs à long terme en leur expliquant les raisons de ses décisions.

le "convivial"

qui crée une ambiance propice à une bonne communication, une certaine flexibilité et une plus grande innovation.

le "démocrate"

qui prend des décisions de manière consensuelle, a confiance en ses collaborateurs dont il attend un certain engagement.

l’"exécutant exemplaire"

qui donne l’exemple, veut un haut niveau de performances, délègue difficilement, maintient une forte pression sur ses collaborateurs.

le "développeur"

qui encourage, conseille, délègue, instaure un dialogue permanent, fixe des challenges.

Pour Daniel Goleman, aucun style n’est a priori préférable à un autre, tout dépend en fait des objectifs poursuivis et des circonstances.

L’autoritaire sera efficace sur une courte durée en temps de crise, par exemple, alors que le développeur récoltera des fruits à plus long terme.

Adaptabilité

La réussite d’un patron trouve sa source dans sa capacité à passer d’un style de direction à l’autre en fonction de la situation.

L’intelligence émotionnelle se définit comme la capacité à bien gérer ses relations avec soi et avec les autres et repose sur quatre compétences fondamentales :

une bonne connaissance de soi :

avoir une vision réaliste de ses forces et de ses faiblesses, comprendre ses propres émotions, reconnaître leur impact dans l’efficience de son travail, dans ses relations aux autres ...

une bonne connaissance des autres :

faire preuve d’empathie, de sens politique, bien percevoir l’attente des clients ...

une gestion de son efficacité personnelle :

gérer ses émotions, assumer ses responsabilités, savoir être flexible, faire preuve de conviction ...

une capacité à travailler avec les autres,

et à les rendre plus performants, savoir écouter, reconnaître les capacités de son entourage, être un bon communicant, être apte à gérer conflits et changements ...

La réussite financière

Les recherches de Daniel Goleman ont encore montré que plus la palette de compétences relevant de l’intelligence émotionnelle du dirigeant est large, plus ce dernier a une vision claire de son environnement, ce qui lui permet de choisir le style de management qui s’impose et d’opter pour la stratégie gagnante.

Aussi, pour le chercheur, " l’intelligence émotionnelle est un ingrédient essentiel pour réussir aujourd’hui dans un contexte où tout change très vite ".

Ce d’autant plus qu’il a pu constater une forte corrélation entre réussite financière et climat impulsé par le dirigeant.

Selon ses estimations, ce climat contribue pour près d’un tiers aux résultats.

Et si, comme le QI, l’intelligence émotionnelle se mesure, elle a sur lui l’avantage de pouvoir augmenter avec un minimum d’entraînement ... "

Vous avez certainement souri (jaune !) à la lecture de cet article, qui parfois vous rappelait magistralement, en négatif, un chef de projet, un skill group ou skill center manager, un patron de division, passé ou malheureusement actuel !

Une note d’optimisme malgré tout, contrairement au QI, l’intelligence émotionnelle peut se développer ... Pour certains, toutefois, le handicap à combler sera trop important !