Tout n’est pas rose en France
Selon
leur rattachement, les salariés de CGE&Y s’inquiètent pour la partie
variable de leur salaire, pour leur prochain entretien préalable à
licenciement, pour leur remboursement de frais qui tarde, ou encore parce
qu’ils sont en inter-contrat depuis plusieurs mois.
Ce n'est pas à l'X, à l’ENA, ou dans les écoles de management
que l'on apprend ce qu'est l'angoisse d'un salarié de SSII en inter-contrat.
Heureux celui qui
n’a jamais assisté à un entretien de licenciement en tant que salarié, manager
ou représentant du personnel. Heureux aussi celui qui n'a pas vu craquer un
collègue mis en découvert bancaire par un retard de frais ou un variable non versé.
Pour les managers dans leur tour d'ivoire, face à leurs
tableaux de bord, la distance avec la "Vraie Vie" permet d’être insensible.
Mais cette insensibilité fait-elle de bons managers pour une entreprise comme CGE&Y,
fondée uniquement sur l'attachement et la confiance de son personnel ?
… et en Europe non plus
CGE&Y
a généralisé à toute l'Europe l'arrêt des embauches, la rupture des périodes
d’essai, le gel ou la diminution des salaires, et l’arrêt des formations externes.
De plus, nos collègues sont inquiets et démoralisés par
les mesures qu'on leur présente comme "décidées par Paris" : pressions
individuelles au départ (Suède, UK, Pays-Bas, Norvège), licenciements
collectifs (Belgique, Espagne, UK), périodes de chômage technique non indemnisé
(UK encore, Belgique et Luxembourg), instauration d'un système de rémunération
"à la performance", aux objectifs multiples et confus (Danemark,
Pays-Bas, Scandinavie).
Paroles d'expert
« Non seulement
il y a peu de mobilisation collective contre l’injustice commise au nom de la
rationalité stratégique, mais les braves gens acceptent d’apporter leur
concours à des pratiques que, cependant, ils réprouvent et qui consistent
principalement à sélectionner des gens pour les condamner à l’exclusion,
sociale et politique, et à la misère, d’une part ; à exercer des menaces
sur ceux qui continuent de travailler en brandissant leur pouvoir de les sélectionner
pour les charrettes de licenciements, et de commettre contre eux des injustices
au mépris du droit, d’autre part. »
Christophe DEJOURS
Souffrance en France – La banalisation de
l’injustice sociale, Ed. du Seuil, page 198.
le theme du mois : « 10 ans
déja » et on recommence ! – stop ! |
UN PEU D’HISTOIRE
Il y a
maintenant dix ans, l’année de la guerre du Golfe de 1992, des
salariés de Cap Sesa Formation*[1]
étaient licenciés un par un pour motifs individuels. L’ambiance devenait insupportable,
pour les salariés licenciés, pour les managers « licencieurs » et
pour les salariés qui restaient, pris entre la peur d’être licenciés à leur
tour et l’angoisse de rester dans cette ambiance de chasse aux sorcières.
Ce sont les Représentants du personnel qui ont réclamé un
licenciement collectif pour pouvoir étaler au grand jour ces licenciements
dissimulés, et surtout leur permettre une meilleure indemnisation légale. Le
plan social s’est déroulé sur la période mai-juin
1992. Quelques mois après, le chiffre d’affaires remontait, en partie grâce à
la culpabilité des 20 survivants.
Devant cet effet, le groupe Cap Gemini
a généralisé les plans sociaux dans toutes ses sociétés françaises. Logista, la filiale spécialisée en assistance technique, a
disparu et les autres filiales ont perdu plus de 400 personnes.
L’année 1993 été une « bonne année » pour le
chiffre d’affaires de Cap Sesa Formation, la bête
amputée continuait à marcher, mais en 1994 elle a commencé à s’effondrer pour
ne plus jamais se relever et disparaître fin 1995.
Heureusement,
les salariés restants ont été transférés vers une activité en plein démarrage à
l’époque, l’Infogérance. Les 20 derniers salariés de Cap Sesa
Formation ont été reclassés grâce au manager de Cap Sesa
Hoskyns, à qui était confiée
l'infogérance, et grâce aussi à leur volonté de reconstruire, mais que de blessures
à guérir dans toute la FRANCE ...
La
Direction du Groupe disait encore récemment : « Ce plan social nous a coûté plus qu’il ne nous a rapporté, et il a été
déplorable pour notre image auprès de nos clients ! »
Aujourd’hui
Aujourd’hui les effets du 11
septembre ressemblent étrangement à ceux de la guerre du Golfe il y a 10 ans :
les licenciements individuels se répandent dans tout le Groupe. Heureusement il
existe encore des endroits où l’on râle "seulement" pour ses frais de
déplacement, alors qu’à d’autres on recherche un Représentant du Personnel pour
se faire assister à un entretien préalable à licenciement qui tombe par
surprise. Il ne fait pas bon être un peu hors normes, trop jeune, trop vieux,
ou simplement en inter-contrat !
L’histoire est-elle
cyclique ? Allons-nous tomber dans un plan social douloureux comme dans
les autres pays d’Europe ?
La position de la
C.F.T.C.
Les licenciements individuels ou
collectifs ne résoudront pas les problèmes et ce n’est pas avec des managers et
des salariés « blessés » -à supposer qu'il reste assez de survivants
- que l’on se redresse et que l’on gagne face à la concurrence.
La force d’un grand groupe comme
CGE&Y c’est de pouvoir créer de nouvelles activités, et d'y former ses
salariés pour les adapter constamment au marché.
De nombreux informaticiens du
groupe ont une formation initiale d'ingénieurs généralistes, de chimistes, de
juristes, de biologistes…Le Groupe est riche d’une multitude de compétences
inconnues, inexploitées.
Alors que les salariés constituent une somme d’intelligence impressionnante et variée, le management de crise à CGE&Y semble guidé par des principes de gestion archaïques : panique, brutalité, inhumanité.
[1] * Cap Sesa Formation : Filiale d’environ 80 personnes du
Groupe Cap Gemini, comprenant une Agence de
formation, une Agence de recrutement, et l’actuel Institut.